mercredi 5 novembre 2025 à 17h30
Solidarité avec GAZA
DE L'INDIGNATION À LA RÉSISTANCE (21 OCTOBRE 2025)
D'après un texte de Mahmoud Senadji
Ancien professeur à l'École supérieure des Beaux-Arts d'Alger.
En résistant, les dissidents et les volontés populaires créent la politique de demain.
C'est avec ces mots que le résistant Stéphane Hessel clôt son interview au lendemain du cessez-le-feu à Gaza le 19 janvier 2009 [1]. Ces paroles, tenues au lendemain de l'opération « Plomb durci » qui a fait 1400 victimes gazaouies, témoignent de l'engagement de l'homme pour les causes justes.
Et en 2010, il rédigea un essai retentissant « Indignez-vous » qui reste, plus que jamais, source d'inspiration et de mobilisation. Imaginons, un instant, qu'il ait été vivant lors de ce génocide
Comment se fait-il que les voix condamnant Israël peinent à se faire entendre en France ?
Comment se fait-il qu'on se soit bousculé le lendemain du 7 octobre pour apporter son soutien à Israël et qu'on ait fait de ce jour-là la date fondatrice du drame palestinien en occultant tout le passé historique de ce peuple depuis la Nakba de 1948 ? Des honnêtes et braves gens vivaient paisiblement chez eux en Israël et des hordes sauvages venant de Gaza ont surgi pour les déranger dans leur quiétude et les violenter !
Comment expliquer cette cécité dans une société qui vit encore au présent, les séquelles de son passé colonial ?
Déjà en novembre 1967, le Général De Gaulle, fort de son expérience coloniale algérienne, nous avertissait qu'Israël, en occupant les nouveaux territoires palestiniens, allait nommer la résistance qui en découlerait logiquement, de terrorisme.
Avant de mourir, Hessel le résistant, n'a pas cessé de comparer la résistance palestinienne à la résistance de la France libre au Nazisme et d'interpeller la communauté internationale à exiger et contraindre Israël à respecter et se conformer au Droit international.
Malgré ces avertissements, les gouvernements occidentaux ont souscrit totalement au mépris du Droit international, assimilant le droit de résister à l'occupation comme acte relevant du terrorisme.
Ils sont allés jusqu'à réprimer celles et ceux qui exprimaient leur solidarité avec les Gazaouis
La réponse à ces interrogations est dans l'image que l'Occident a et diffuse actuellement du Palestinien et de l'Israélien.
Le Palestinien - assimilé au Hamas - est principalement arabe et musulman. Quelle est l'image de l'Arabe et du musulman en Europe et en France en particulier ?
En France, l'image du musulman a remplacé celle de l'Arabe des années 50 : il est devenu l'ennemi par excellence à neutraliser. La loi du séparatisme musulman et le rapport sur l'entrisme des musulmans font du musulman une entité à part, une image dont il faut se méfier, car en marge de la République et menaçant son existence.
Les dernières manifestations de l'extrême droite en Europe sont des exemples édifiants.
Ce n'est pas seulement le sentiment de culpabilité de l'Europe qui explique son soutien inconditionnel à Israël mais toute la propagande dirigée contre les musulmans perçus comme une menace réelle et un corps étranger déstabilisateur de la vieille Europe.
La vieille Europe et l'Amérique ont épousé la propagande sioniste qui présente l'Islam comme l'antithèse de la civilisation et la barbarie du siècle. Toute la propagande autour du concept de civilisation judéo-chrétienne, concept conçu sans aucun fondement à partir des années 80 contre laquelle l'historienne Sophie Bessis s'est élevée et a démontré sa fausseté, car le propre de ce postulat est de de désigner l'Islam comme la figure de l'étranger qu'il faut exclure, portant le visage de l'anti-culture contre lequel il faut lutter.
Israël se définit comme le bastion de la civilisation dans un Orient moyenâgeux. Dans l'Israël de Netanyahou se dévoile le vrai visage du sionisme et la guerre qu'il mène est théologico-politique.
Selon sa lecture, Israël est dans son plein droit car elle est investie d'une mission messianique : celle d'instaurer le royaume du Grand Israël au prix de piétiner le Droit international et déporter tout un peuple [2].
Cette lecture est partagée par l'Amérique de Trump avec un Ministre de la défense Pete Hegseth, pour qui, l'État d'Israël est l'âme de l'Occident.
Ils épousent le langage théologique en se définissant comme des Croisés américains où Israël incarne l'âme de leur croisade américaine. Il exhorte les Américains en leur rappelant que s'ils aiment la foi, la famille, la liberté et la libre entreprise, ils doivent apprendre à aimer l'État d'Israël qui les incarnent.
En s'alignant sur l'Amérique, la vieille Europe est en train de perdre son âme. Le Sionisme du couple Trump-Netanyahou a atteint son apogée : le paroxysme du cynisme et de la barbarie.
A la quasi-totalité de la presse au service de l'ordre des puissants en France qui critique toute personne solidaire de la cause palestinienne et avant toute prise de parole la somme de condamner sans réserve le Hamas, nous rappelons la phrase du résistant Larbi Ben M'hidi en 1957 quand on lui demandait pourquoi il recourait aux attentats qui tuaient des civils à Alger, , il leur répondait « donnez-nous vos chars et vos avions et nous vous donnerons nos couffins ».
C'est pourquoi une presse alternative populaire est plus que nécessaire et s'impose à nous.
Gaza, à son corps défendant, nous libère de ce monde, où la puissance tient lieu de droit, pour jeter les bases d'un nouveau monde où la justice et la paix régneront en maître.
Logiquement, la mondialisation qui était synonyme d'occidentalisation est moralement finie. Aux peuples d'Occident qui se sont soulevés contre cet ordre injuste et inhumain de développer des foyers de résistance [4] et de nouer un pacte de solidarité avec les peuples du Sud, principalement ceux des pays arabes soumis au despotisme politique de leurs dirigeants pour fonder ensemble une nouvelle politique mondiale à visage humain.
La leçon civilisationnelle que nous livre Gaza rejoint celle de Hessel : en résistant, les volontés populaires écriront la politique de demain : celle du printemps des peuples.