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vendredi 10 mars 2023 à 18h

Ouverture de la Friperie du Pont

Entrée libre et gratuite

OBSsESSIONS off du 10 mars 2023 au 10 mai 2023 au Café du Pont de Soueich en partenariat avec Fisheye.

Cette exposition vient compléter l'exposition OBSsESSIONS actuellement en cours à Paris.

« OBSseSSIONS off est une série photo Polaroïds agrandis effectuée au cours de deux voyages vécus aux Etats-Unis successivement en janvier 2022 puis octobre 2022, ceux-ci entrecoupés par la séparation des deux protagonistes.

Moins proche du mythe du voyage romantique, on assiste plutôt aux archives, aux traces chaotiques d'un amour de la route, sur la route, avec ses galères et ses joies.

Neuf mois séparent les deux épopées, entre temps les coupes de cheveux ont changé, d'autres détails aussi, mais ce qu'on y découvre en essence demeure toujours le même itinéraire obsessionnel de deux personnes amoureuses.

Saisies dans un reportage photo pop/trash de Thibault Lévêque, racontées par les poèmes doux brutaux de l'Artiste Eva Bottega, leurs obsessions communes restent inchangées. La trace d'un amour qui semblerait indélébile, gravée par des images appuyées par des mots, dans des décors de motels premier prix, des moquettes fatiguées sur lesquelles le talon de vieilles boots a fait son temps. Dans l'air tiède d'un désert chaotique inhospitalier, dans un endroit approximatif de l'ouest américain, dont on se rappelle de quelques crevasses sur la route, de lignes droites où, lancés à 100 miles à l'heure, on peut se regarder longtemps, droit dans les yeux. »


LES MARIÉES DE PIGALLE par Lili Chomat

Les trottoirs de Pigalle accueillent nos errances, nos marches effrénées pour attraper le métro, nos larmes sur le goudron, nos danses dans la nuit, nos baisers, nos amours. Et sur ces trottoirs, les regards. Toujours, les regards. Le harcèlement parfois. Souvent. Quelle place pour nos amours lesbiennes dans l'espace public ? À Pigalle je me demande particulièrement comment avoir une sensation pleine de liberté, de sécurité, d'insouciance, quand les corps des mannequins en plastique affichés dans les vitrines des sex-shops modèlent l'imaginaire collectif, et me renvoient tant de violence. Nos sexualités, nos corps, nos désirs se distordent, se modèlent au gré de représentations fantasmées, normées, de l'excitation, du plaisir.

Ces corps en vitrine, aux seins gonflés, parés de gode et de perruques, affichent sous la lumière des néons le « caché », le transgressif, le plaisir à portée de main derrière les rideaux de velours rouge, le monde de la nuit et du fantasme d'un imaginaire hétéropatriarcal emprunt d'images pornographiques mainstream.

Cette chair coupable, cachée le jour et affichée sous les néons nocturnes, répond à l'héritage judéo-chrétien selon lequel la chair est coupable, toujours. La chair, le plaisir, ne peuvent être montrés que de nuit. L'Église, c'est le noeud douloureux de notre rapport à la chair. Le péché commence avec la faute d'Ève : en mangeant le fruit, «les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, et ils connurent qu'ils étaient nus» (Genèse, 3,6).

Et depuis des siècles, à cause de ces quelques lignes, on se traîne l'idée de culpabilité de la chair, de honte de nos désirs, de corps fautifs. Et pour répondre à nos désirs, pour dresser nos pulsions et nos sexualités, une institution historique : le mariage. Sa force symbolique est aujourd'hui encore évidente : célébrer l'union avec la personne aimée. Le mariage civil entre personne du même genre en France est permis depuis presque dix ans. Malgré la loi de 2013, on se les prend en pleine face, ces regards sur le trottoir, qui condamnent, fétichisent, interrogent, et ne laissent pas la place de célébrer simplement notre amour. Comment s'aimer, comment se ré-approprier nos imaginaires amoureux, notre sensualité ?

En me promenant dans les rues de Pigalle, je me suis dit que j'avais envie de faire mes propres récits sur ces vitrines. D'en faire le décor de mes amours. De mes rêves. Je me suis demandée quels étaient mes fantasmes personnels. Quels rêves dormaient en moi la nuit. Et je me suis imaginée célébrer mon lien avec mon amoureuse, me parer en mariée avec elle et faire de la nuit notre nuit.

Nous, on se prend par la main pour aller se marier à l'église ou sur le trottoir. On se marie n'importe où. Nos baisers n'ont pas besoin d'un serment pour exister. Nos baisers n'ont pas de maison. Ni maison de Dieu, ni maison close, ni quoi que ce soit. Nos baisers c'est l'univers tout entier.

On se demande comment inventer des nouvelles représentations pour nos amours. De nouveaux regards. Et quand je regarde cette fille à côté de moi, tout s'arrête.

Juste, je l'aime. Juste, on s'aime.

Je prends sa main et je l'embrasse.

On prend l'appareil photo et on va créer des images avec toute notre fougue et notre simplicité. Notre tendresse. Notre extravagance. Notre excitation. On ne sait pas si notre amour durera le temps d'un battement d'ailes ou pour la vie, s'il sera unique ou s'il côtoiera d'autres amours, mais ce qu'on sait, c'est qu'on veut s'amuser, se sentir libres, vivre. On ouvre les yeux sur nos désirs. On se dit qu'on aurait rêvé de voir ces mariées en photo quand on était petites filles.

Alors on performe la féminité, on se déguise comme des enfants, on refuse de devenir des femmes sérieuses, on veut se maquiller et se déformer, et juste crier «vivent les mariées» devant les boîtes de striptease, devant les sexshops, devant le Christ sur sa croix, devant le prêtre. Et on joue, avec toutes nos convictions, nos interrogations, nos doutes, nos paradoxes. On se déguise en mariées mais on pourrait aussi se déguiser en pirates : on crie ce «vivent les mariées» comme on crierait «à l'abordage» face à ce monde, à ses trottoirs et à ses regards.

Les mariées de Pigalle, série photo réalisée en février 2022

Un projet de Lili Chomat, avec Alice Le Berre, Emilia Fullana, Léa Merlhiot à la photrogaphie, Telma Bello et Lili Chomat

Source : message reçu le 24 février 13h